LA DELICATE APPREHENSION DU
TEMPS DE TRAVAIL DES CONDUCTEURS ROUTIERS
Accord
social (du 23 novembre 1994)
Volet social du
Contrat de Progrès, cet accord repose sur les principes de transparence, de
progressivité, de pragmatisme devant prendre en compte les spécificités
du transport routier de marchandises. Il crée la notion de temps de service,
rémunéré à 100% en intégrant les temps de mise à disposition, améliore les
conditions de travail et de sécurité, plafonne les temps de service et impose
leur contrôle, notamment par le chronotachygraphe, oblige à une réorganisation
du travail et induit une augmentation de la masse salariale.
Chronotachygraphe
Instrument de mesure
et d'enregistrement de la vitesse et des différents temps (conduite, travail et
repos) soit automatiquement (vitesse, conduite) soit par manipulation (travail
et repos).
Elément important du débat sur l'harmonisation sociale européenne puisqu'à
défaut d'un consensus européen sur les temps et les règles du jeu (Règlement
3820), le lissage des conditions de concurrence passe au minimum par une
application stricte des règles existantes, donc par un appareil de contrôle
inviolable et infalsifiable.
C'est le chronotachygraphe entièrement électronique (version 1B) qui a été
retenu par la Commission européenne et qui sera obligatoire sur les véhicules
neufs au cours de l'année 2001. Ce chronotachygraphe constitue l'outil de
contrôle fiable de l'activité des conducteurs routiers de l'Union européenne.
Reste cependant à régler le problème de l'harmonisation sociale
Le règlement européen du 20 décembre
1985 définit les règles communes applicables à tous les conducteurs en matière
de temps de conduite et de repos.
Le 29 janvier 1998, le Parlement a adopté le projet de loi de Jean Claude
Gayssot tendant à " améliorer les conditions d'exercice de la profession
de transport routier ".
Les principales dispositions sont :
- Généralisation de la formation professionnelle
- Extension des pouvoirs de constatation et d'investigation des contrôleurs des
transports terrestres.
- Renforcement des sanctions (possibilité de retrait partiel ou total des
licences en cas d'infractions graves ou répétées…).
- Modification du régime d'autorisation (en application d'une directive
européenne, d'une licence communautaire sera obligatoire pour les poids lourds
de plus de 6 tonnes ).
Les conducteurs routiers doivent à la fois respecter la
législation nationale sur la durée du travail et la législation européenne sur
les temps de conduite et de repos.
Règles générales
- Pas plus de 4h30 de conduite continue, au bout de 4h30 une pause de 45
minutes doit être prise.
- Pas plus de 9 heures de conduite par jour
- Pas moins de 11 heures de repos journalier
- Pas plus de 6 jours consécutifs de conduite, au terme desquels un repos
hebdomadaire doit être pris.
Rappel de quelques définitions :
Conducteur : le terme conducteur désigne toute personne qui conduit
le véhicule, même pendant une courte période, ou qui est à bord du véhicule
pour pouvoir le conduire le cas échéant (double équipage).
Interruption :
Les temps d'attente sont considérés comme des interruptions, en ce qui concerne
le calcul de la durée de conduite continue.
Semaine : La semaine s'étend du lundi 0 heure au dimanche 24
heures.
Repos : Est considéré comme repos toute période ininterrompue
d'au moins une heure pendant laquelle le conducteur peut disposer librement de
son temps. Les temps d'attente ne sont pas pris en compte dans le calcul du
temps de repos.
Tous les conducteurs conduisant
un véhicule de plus de 3,5 tonnes de PTAC (Poids Total A Charge) ou de plus de
9 places, en charge ou à vide, salarié ou indépendant, français ou étranger,
effectuant un transport pour le compte d'autrui ou pour compte propre.
Les différentes catégories de camion selon les constructeurs :
- Jusqu'à 3,5 tonnes : véhicule utilitaire, se conduisant avec un permis
touristique.
- De 3,5 à 5 tonnes : véhicule utilitaire, permis professionnel
- A partir de 5 tonnes : c'est un poids lourd
- Le poids lourd le plus important : 44 tonnes
A/ LES
TEMPS D’ATTENTE
-1- Les temps d'attente pendant lesquels le chauffeur n'effectue aucune
tâche mais reste à la disposition de son employeur ou d'un client, ont
longtemps justifié que cette durée ne soit que partiellement pris en compte au
titre du temps de travail.
Deux mécanismes ont été en réalité mis en oeuvre : les heures
d'équivalence pour les chauffeurs rentrant chaque jour
à leur établissement d'attache et les temps de mise à disposition pour les "grands routiers"
Les heures d'équivalence se présentaient comme un forfait d'au plus
deux heures non rémunérées dès lors que le chauffeur dépassait 39 heures
hebdomadaires. Ce mécanisme a été supprimé en 1996. Les temps de mise à
disposition supposaient au contraire une comptabilisation précise des durées
d'attente. Ces durées n'étaient considérées comme du temps de travail effectif
qu'en fonction d'un pourcentage (par exemple, 92 % du temps réel).
Ces temps doivent dorénavant être rémunérés à 100 %. Par ailleurs, la
notion de temps
de "mise à disposition" a disparu de la réglementation
française en 1997.
B/ LES
COUPURES
pendant les coupures,
le conducteur ne doit pas effectuer d'autres travaux.
-1- La notion de "coupure" est définie par l'actuelle
réglementation européenne de 1985 sur les temps de conduite. Un conducteur ne
peut rouler plus de 4H30 sans interruption. Il doit alors faire une coupure de
45 minutes.
Cette coupure peut être fractionnée en deux ou trois pauses d'au moins
15 minutes. Elle ne doit correspondre à aucune activité réelle. Les coupures
ont un objectif de sécurité routière : elles permettent au chauffeur de
récupérer sur la fatigue occasionnée par le temps de conduite. Du point de vue
de la réglementation, les coupures ne sont pas du temps de travail. Elles ne
sont
pas en principe rémunérées.
-2- Il s'agit cependant d'un repos contraint. De fait, les coupures sont prises en cours de route ou chez un client. Certes, le chauffeur peut généralement décider du moment précis de la coupure, mais son existence est déterminée
C/ LES
REPOS QUOTIDIENS
-1- Quand un chauffeur routier débute une "tournée", il sait
qu'elle peut être longue, durer plusieurs jours, et ne pas comporter d'horaires
précis. Quoique le service dans lequel il s'engage ne soit pas forcément
continu, il ne pourra jouir véritablement de son temps, n'être en complet
repos, que lorsqu'il sera rentré à son domicile. Les repos quotidiens d'un
conducteur ne peuvent, dans cette optique, être totalement séparés du temps de
travail. C'est pourquoi d'ailleurs la définition du temps de travail des
chauffeurs routiers a toujours été spécifique. (Si
celle-ci est de trois quarts d'heure, elle doit être intégralement reprise
après la période de manutention. Quant à la première période, elle devient une
"fausse coupure", une coupure inutile ! Elle n'est plus qu'un temps
d'attente..)
Cette notion de "temps de travail effectif" est fixée par le décret du 26-1-1983 et elle ne correspond pas
exactement à celle du Code du travail. Certes, le décret n° 2000-69 du
27-1-2000 modifiant le décret de 1983, prend en compte la nouvelle définition
du temps de travail effectif fixée à l'article L212-14 CT, en ajoutant que "la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le
salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses
directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles" (art.5-1). Mais l'alinéa 2 de la même disposition reprend
l'ancienne formulation du décret en disposant que "la durée du travail effectif
est égale à
l'amplitude de la journée de travail (...), diminuée de la durée totale des
interruptions dites "coupures" et du temps consacré au repas, à
l'habillage et au casse-croûte...".
La notion d'amplitude s'interpose donc. Cette notion est caractéristique du temps de travail des routiers,
marqué par une certaine "porosité" des temps consacrés au travail et
aux repos : l'amplitude de travail est formée par des périodes de travail
effectif et d'autres moments, compris dans cette "journée" de
travail, mais où le salarié se repose :
-1- . Pour un chauffeur, ces moments de répit
sont souvent pris sur le lieu de travail, c'est-à-dire sur la route (par
exemple, sur la couchette de la cabine du camion) ou chez le client desservi.
Ils peuvent être encore particulièrement longs quand ils séparent deux tournées
effectuées la même journée (par exemple, la première, tôt le matin et la
seconde, en soirée).
-2- Aussi, la législation concernant le temps de travail des conducteurs routiers prend-elle en compte ces moments qui tiennent plus de la récupération que de la vacance. L'ambivalence de ces périodes est juridiquement traduite par une double tendance législative, apparemment contradictoire. Il faut d'une part limiter ces temps morts qui peuvent fortement allonger la journée de travail. Il faut d'autre part les préserver, sachant que le chauffeur est souvent en déplacement, parce qu'ils restent le moment privilégié d'un repos nécessaire à la sécurité du travailleur et des usagers de la route. Caractéristique de la première tendance,
l'accord
professionnel du 12-11-1998, applicable aux seuls "grands routiers"
dispose que : la rémunération mensuelle du chauffeur ne peut
être inférieure à 75 % de la durée des amplitudes journalières cumulées au
cours du mois.
Ainsi, l'employeur se trouve-t-il obligé,
par ce butoir, de rémunérer des heures non travaillées, lorsque les périodes de
repos au cours d'une journée dépassent en moyenne 25 % l'amplitude moyenne de travail.
Caractéristique de la seconde tendance, la
législation européenne développe une réglementation méticuleuse des repos
journalier par période de 24 heures, chaque conducteur (salarié ou non) doit
prendre un repos d'au moins onze heures consécutives (art.8 régl. CE
n°3820-85).
Cette durée peut être ramené à 9 heures,
trois fois par semaine. Mais en réalité, ce repos journalier entre deux
périodes de conduite quotidienne peut être ramené à 8 heures du fait de son
fractionnement possible. En effet, le travail quotidien du conducteur peut être
scindé par deux ou trois périodes de repos. Il n'y a de repos que si l'arrêt de
travail ou de service est d'au moins une heure. Dans ce cas, la durée du repos
journalier est portée à 12 heures dont une fraction d'au moins 8 heures,
incompressible.
-3- Il faut souligner que le morcellement
des repos quotidiens facilite néanmoins l'apparition d'amplitude de travail
fort longue, sinon même empêche toute réelle perception de cette notion,
puisque les périodes de repos d'un seul tenant deviennent si courtes qu'elles
correspondent tout juste à la durée moyenne du sommeil nocturne 17 . Enfin, parce que ces courtes périodes de
repos se trouvent souvent enchâssées dans une journée de travail, elles
interfèrent parfois avec les périodes de coupures. Ceci contribue, d'une
certaine manière, à les rattacher à cette "atmosphère" de travail
dont elles ont quelque mal à se dégager.
Effectivement, les repos, au sens de la
réglementation européenne, sont principalement des moments de relaxation afin
d'assurer la sécurité routière. Ils ne sont que secondairement des périodes de
liberté pour le chauffeur. Il existe d'ailleurs une discordance
d'interprétation entre l'administration et certaines opinions professionnelles
ou doctrinales concernant la comptabilité de la coupure et d'un repos accolés.
Pour l'administration, repos et coupures doivent être comptabilisés séparément
parce qu'il s'agit de deux notions nettement distinctes. Pour d'autres, la
coupure se fond dans le repos réglementaire parce que l'impératif de sécurité
routière est de toutes les façons garanti par l'arrêt de la conduite.