LA RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES MORALES ET DE LEURS DIRIGEANTS

 

Procès du DRAC à Grenoble.

C’est une innovation de la réforme du Code Pénal en 1992 mais avait déjà été affirmé dans le projet de la Commission Matter de 1934. En effet, il convient de rappeler que les personnes morales n’encouraient auparavant qu’une responsabilité civile et dans certains cas, disciplinaire ou administrative. Cette position a été maintes fois réaffirmée par la Cour de Cassation depuis la fin du siècle dernier.

 

Arguments invoqués contre cette idée :

Ses détracteurs :

En tout état de cause, le principe est posé par l’article 121-2 du Code Pénal :

 

"  Les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement dans les cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. "

 

 

PREMIERE PARTIE : LE CHAMP D’APPLICATION DE LA RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES MORALES

 

      I.            CHAMP D’APPLICATION QUANT AUX PERSONNES :

A.      Toutes les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, peuvent être déclarées pénalement responsables :

Au nom du principe d’égalité, le législateur a voulu que le principe s’applique à toutes les personnes morales de droit public ou de droit privé, à but lucratif ou non, françaises ou étrangères, même si ce principe est assorti d’une exception et de quelques limites.

PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC :

Toutes sont responsables à l’exception de l’Etat. En effet, il a été jugé inconcevable que l’Etat qui détient le monopole du droit de punir, se sanctionne lui-même. Il est donc pénalement irresponsable à la différence de ses agents, personnes physiques.

Quelles sont-elles ?

 

* Les collectivités territoriales et leurs groupements 

Les autre personnes morales de droit public 

 

Quelles sont-elles ?

Les établissements publics, les groupements d’intérêt public et les personnes morales de droit mixte tels que les sociétés d’économie mixte, les entreprises nationalisées, les ordres professionnels.

LES PERSONNES MORALES DE DROIT PRIVE :

Les sociétés, civiles ou commerciales, y compris celles de statut coopératif ou agricole et les sociétés unipersonnelles ;

Les association régulièrement déclarées à la préfecture reconnues ou non d’utilité publique, y compris les congrégations religieuses ;

Les fondations, y compris les fondations d’entreprises ; Les syndicats ; Les partis ou groupements politiques ;

Les groupement d’intérêt économique, y compris les GEIE ; Les institutions représentatives des salariés ;

Les syndicats des copropriétaires ; La masse des obligataires.

Néanmoins certaines personnes morales de droit privé comme les partis et groupements politiques, les syndicats et les institutions représentatives du personnel jouissent à l’instar de certaines personnes morales de droit public d’un statut privilégié : en effet, la dissolution ou la mise sous surveillance judiciaire ne peuvent être prononcées à leur encontre.

 

LES PERSONNES MORALES ETRANGERES :

La loi française est applicable dés lors que l’infraction ait été commise en France ou qu’elle ait été commise à l’étranger contre une victime française dans les conditions de l’article 113-7 (crime ou délit puni d’une peine d’emprisonnement sans condition de réciprocité d’incrimination) ou que l’infraction commise à l’étranger soit de celles visées par l’article 131-10 (atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation…).

NB : la nationalité d’une personne morale est en principe déterminée par le lieu de son siège social et subsidiairement par le lieu de direction effective ou la nationalité des personnes contrôlant la société.

Question en suspend : la reconnaissance de la personnalité morale doit-elle se faire selon les règles du droit français ou selon les règles applicables dans le pays dont la personne morale a la nationalité ?

Problème de l’exécution des peines à leur encontre du moins lorsqu’elles ne disposent pas d’établissements en France.

 

 

 

 

  II.            CHAMP D’APPLICATION QUANT AUX INFRACTIONS :

 

A.      Principe de la spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales :

Pour être engagée, la responsabilité pénale de la personne morale doit avoir été spécialement prévue par le texte qui définit et réprime l’infraction. Ce texte peut être une loi si l’infraction consiste en un crime ou délit soit un règlement si l’infraction consiste en une contravention.

B.    Liste des infractions susceptibles d’engager la responsabilité pénale des personnes morales :

Infractions prévues par le Code Pénal : crimes contre l’humanité, homicide, violences involontaires, le délit de risque de mort causé à autrui, les discriminations, le vol, l’extorsion, le chantage, l’escroquerie, l’abus de faiblesse, l’abus de confiance, le recel…

Infractions prévues par d’autres textes : dans le Code de Justice Militaire pour l’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation en temps de guerre, dans le Code de Propriété Intellectuelle avec les atteintes aux droits d’auteur, dans la loi du 25 janvier 1985 concernant la banqueroute, dans la loi quinquennale du 20 décembre 1993 instituant la responsabilité pénale des personnes morales en matière de travail clandestin et de main d’œuvre étrangère…

 

DEUXIEME PARTIE : LES CONDITIONS DE MISES EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES MORALES

 

I.      NECESSITE D’UNE INFRACTION COMMISE POUR LE COMPTE DE LA PERSONNE MORALE PAR SES ORGANES OU REPRESENTANTS :

C’est à la jurisprudence de préciser la signification exacte de cette expression. La responsabilité pénale des personnes morales est en réalité doublement subsidiaire à celle des personnes physiques puisque :

 

 

     II.            RESPONSABILITE PENALE DE LA PERSONNE MORALE EN TANT QU’AUTEUR OU COMPLICE :

 

La personne morale sera poursuivie en qualité d’auteur principal lorsque l’infraction aura été commise par son organe ou représentant lui-même. Elle le sera en qualité de complice, chaque fois que ses organes ou représentants se seront eux-mêmes rendus complices d’un tiers, notamment en lui donnant des instructions, pour qu’il commette une infraction au profit de la personne morale.

Exemple : le vol de documents industriels commis sur l’instruction d’une société dans les locaux d’une société concurrente.

 

 

III.            POSSIBILITE DE CUMUL ENTRE LA RESPONSABILITE DES PERSONNES MORALES ET CELLES DES PERSONNES PHYSIQUES :

Les personnes physiques concernées sont bien évidemment les représentants de la personne morale mais également toute autre personne qui agirait sur leurs instructions ou tout coauteur.

 

  II.            CAUSES D’IRRESPONSABILITE SUSCEPTIBLES D’ETRE INVOQUEES PAR LES PERSONNES MORALES :

 

La question est de savoir si dans l’hypothèse où la personne physique organe ou dirigeant de la personne morale bénéficie de l’une ou l’autre de ces causes d’irresponsabilité pénale, celles-ci bénéficient également par ricochet, à la personne morale elle même.

En cas de trouble mental de ses organes et de ses représentants, il semblerait que la personne morale ne bénéficierait pas cette cause d’irresponsabilité des personnes physiques. En effet, on doit considérer qu’elle doit assumer les comportements quels qu’ils soient, des dirigeants qu’elle a choisis dès lors qu’ils ont agi pour son compte.

En revanche, l’erreur de droit de la personne physique, le respect du commandement de la loi ou de l’autorité légitime par le représentant, la contrainte ou l’état de nécessité pourraient bénéficier à la personne morale.

 

 

TROISIEME PARTIE : LES SANCTIONS APPLICABLES

 

POUR LES PERSONNES MORALES :

Elles encourent à titre principal une peine d’amende dont le montant est fonction de celui applicable aux personnes physiques.

Ainsi, en matière délictuelle, elle encourt une amende dont le taux maximum est égal à cinq fois celui prévu pour les personnes physiques pour la même infraction.

Les peines complémentaires encourues, à condition que le texte d’incrimination l’est prévu sont les suivantes :

 

POUR LES PERSONNES PHYSIQUES :

Des peines principales, alternatives et complémentaires peuvent être encourues par l’auteur de l’infraction.

A titre principal, en matière correctionnelle, l’échelle de l’emprisonnement prévue pour chaque infraction peut aller de six mois à dis ans. L’amende peut être comprise entre un minimum de 25 000 francs et un maximum librement fixé par le texte d’incrimination.

Si l’infraction est de nature contraventionnelle, seule une peine d’amende peut être prononcée à titre principal (le montant varie en fonction de la classe de contravention).